Li
J’ai connu Li au bal masqué des arnaqueurs,
Parmi les monstres, les narcisses et puis les fées.
Je me suis approché, elle n’a pas reculé.
Elle m’a souri derrière son masque moqueur,
M’a donné son livre, recouvert de censure,
Où les rêves d’ivresse apaisent ses blessures.
J’ai mis son histoire dessous mon oreiller,
Pour que toute la nuit ses mots poivrés me bercent,
Qu’au jour levé enfin, ses images transpercent
De mille et un tourments, ensemble entortillés,
Mon crâne qui exhume en un fiévreux délire
Ses nouvelles où la plume est trempée d’élixirs.
Quand on me trouve ailleurs perdu dans mes pensées,
C’est Li ne m’en veux pas, ne m’en fais pas procès.
Tu prends souvent la barre et le cap du vaisseau,
Pour un moment hagard où flottant sur les eaux,
Je me sens visiter pour tromper mon ennui,
Tes pays fabuleux faits de hasards fortuits.
Assez ! Li ne me dis-tu quand la coupe est pleine,
Quand à me rendre utile mon amitié s’aliène.
Parfois je m’alourdis, parfois je t’exaspère,
Pourtant tu me gardes une affection sincère.
Je dois, même s’il pleut, apprendre à expirer,
Deviner quand il faut te laisser respirer.
Ainsi qu’une fleur bleue, qu’il nous plait de chérir,
Sans vouloir y toucher, sans pouvoir accourir
Dès que tu te sens mal, ou bien lorsque tu tousses.
Tu es grande et n’as pas besoin de ma rescousse.
Je sais Li ne sera jamais sage ou tranquille,
Indépendante et libre ainsi qu’une presqu’île,
Entourée d’océans, balayée par les vents,
Un univers hostile aux mystères captivants,
Qu’il est vain de soustraire aux assauts de la mer
Tant c’est elle qui fit ses côtes escarpées
Qui font sa beauté brute, et sa forêt primaire,
Peuplée d’âmes égarées, d’amants décapités.
Où les fruits aigre-doux d’un genre unique au monde
Vous emplissent le cœur d’une passion profonde
Pour ce creuset de sangs et d’histoires mêlés,
Qu’on imagine au loin, sous un ciel constellé.
Au bal masqué d’instinct je te reconnaissais,
Li, ne voyant dans tes peintures sans logique,
Que les traits d’une femme entière et magique.
Femme d’exception qui toujours transperçait
Mes murailles et défenses. Alors moi j’entrepris
L’ambitieux projet que celui d’être pris
Dans le cercle fermé des amis qui t’entourent,
Nulle place assurée mais où chacun accoure.